20 mai 1521 – Le coup de canon !

Un pas de côté

Ce jour-là, les troupes françaises attaquent la cité fortifiée de Pampelune, dans laquelle est retranchée une garnison espagnole avec le chevalier Inigo de Loyola. Dans le “Récit” que St Ignace en fera vers la fin de sa vie (1553), il est écrit : « Se trouvant dans une forteresse que les Français attaquaient, alors que tous étaient d’avis qu’on se rende si l’on avait la vie sauve – car ils voyaient clairement qu’ils ne pouvaient pas se défendre –, il donna à l’alcade tant de raisons qu’il le persuada malgré tout de se défendre, à l’encontre de tous les chevaliers, lesquels étaient réconfortés par son courage et son énergie. Et le jour venu où l’on attendait l’attaque de l’artillerie, il se confessa à l’un de ses compagnons d’armes. Après que la canonnade eut duré un bon moment, une bombarde l’atteignit à une jambe, la brisant toute ; et, parce que le boulet passa entre les deux jambes, l’autre reçut une mauvaise blessure. Et alors, lui tombé, ceux de la forteresse se rendirent aussitôt aux Français » (n° 1).

L’événement, tout-à-fait insignifiant dans le cadre de la rivalité politique entre royaume (François 1er ) et empire (Charles-Quint), fut cependant l’étincelle d’un mouvement qui bouleversera – et pour longtemps – la chrétienté. Bien que le P. Ignace fût très prudent sur son histoire passée, les premiers compagnons en avaient une certaine connaissance. A preuve la relation que le P. Jacques Lainez (futur successeur de St Ignace) en fait, quelques années avant le “Récit” (en 1547), au P. Jean de Polanco, venu prendre à Rome la fonction de Secrétaire de la Compagnie : « Ce qui fut l’occasion de sa conversion et à l’origine de son service de Notre-Seigneur fut que, se trouvant à Pampelune, alors que cette ville était encerclée par les Français et que la citadelle refusait de se rendre – en grande partie parce que tel était son avis –, un tir d’artillerie le blessa, brisa l’une de ses jambes, cassant l’os en de nombreuses parties ; quant à l’autre, elle fut aussi endommagée » (n° 2). Mais l’intérêt pour ce narrateur, c’est ce qui – à travers ces meurtrissures, moins d’ailleurs de la chair que de l’amour propre – s’en suivit dans l’âme du chevalier : « Au milieu de ces épreuves, il s’est vu, à diverses reprises, attaqué et mû par divers esprits… Et alors qu’il n’avait pas l’expérience de ces mouvements, à la fin il remarqua que ces mouvements du Seigneur, outre qu’ils étaient bons, lui laissaient l’esprit consolé et rassasié, et que les autres, comme ils étaient vains, lui laissaient à la fin l’esprit vide et désolé. Et ainsi, avec la grâce du Seigneur, lequel lui donnait alors une intention droite et une volonté bonne plus que des lumières donnant une intelligence des choses divines, peu à peu au cours de sa convalescence il s’acheminait vers une décision » (n° 3). Dans le Récit, le P. Louis Gonçalves détaillera certes davantage ce moment (n° 6 à 9), mais la teneur essentielle est la même, qu’Ignace a tenu à faire connaître autour de lui (bien avant donc qu’il se confie plus complètement vers la fin de sa vie). Conséquence de cet événement, assurément renversant (!), le chevalier Inigo – à l’instar de ses compatriotes conquistadors – découvrira une terre nouvelle, « pas au-delà de tes moyens ni hors de ton atteinte… pas dans les cieux qu’il te faille dire “Qui montera pour nous aux cieux la chercher ?”… pas au-delà des mers qu’il te faille dire “Qui ira pour nous au-delà des mers nous la chercher ?”… mais tout près de toi, dans ton cœur » (cf. Dt 30, 11-14) ; et ce, pour la pratique effective d’une existence de croyant, son « choix de la vie », en ce monde-ci. Cette terra incognita, tout intérieure, est promise à la découverte de chaque homme qui se laisse guider, non par des alizés tumultueux le déroutant de lui-même mais par le souffle apaisant de l’Esprit qui, le ramenant en lui, le tourne délibérément vers son Créateur et Sauveur. Ces mouvements des esprits, agitant parfois fortement le cœur de l’homme mais l’inclinant in fine au désir profond et aimé de son Seigneur : tel est le fruit spirituel, premier et décisif, de la culbute spectaculaire que vécut Inigo en ce jour mémorable. A la toute fin du Récit, le rédacteur écrit : « Pour moi, une fois toutes ces choses racontées, le 20 octobre [de l’année 1555, soit 9 mois avant la mort du Père Ignace], j’interrogeais le pèlerin sur les Exercices, voulant comprendre comment il les avait faits. Il me dit qu’il ne les avait pas tous faits en une fois mais que, lorsqu’il observait certaines choses dans son âme et les trouvait utiles, il lui semblait qu’elles pourraient être utiles aux autres » ; ajoutant : « Pour les élections spécialement, il me dit qu’il les avait tirées de cette diversité d’esprit et de pensées qu’il avait connue quand il était à Loyola et que sa jambe était encore malade » (n° 99). Tout était déjà bien présent en ce commencement.

Certes, cette terre promise intérieure, vers laquelle Dieu appelle chacun à migrer en toute quiétude et y demeurer pour le trouver en vérité, il s’agit – tel le jardin premier – de la cultiver et de la garder soigneusement, entre autres des serpents sournois lançant des sifflements spécieux. Notre Père Ignace, s’instruisant de l’événement cuisant de Pampelune, nous avertit : « L’ennemi se comporte comme un chef de guerre voulant vaincre et dérober ce qu’il désire. En effet, un capitaine et chef d’armée en campagne, après avoir établi son camp et examiné les forces ou le dispositif d’un château, l’attaque par l’endroit le plus faible. De même, l’ennemi de la nature humaine fait sa ronde, examine en particulier chacune de nos vertus théologales, cardinales et morales ; et c’est là où il nous trouve plus faibles et démunis pour notre salut éternel qu’il nous attaque et essaie de nous prendre » (Ex. Sp. n° 327). Mais l’adversaire n’est pas toujours celui qu’on pense… Car de fait, si vers l’honnête homme, « celui qui se purifie intensément de son péché et qui, dans le service de Dieu notre Seigneur s’élève du bien vers le mieux » (cf. Ex. Sp. n° 315), Satan pointe sa bombarde pour le faire chuter, en revanche pour « celui qui va de péché mortel en péché mortel, l’ennemi a l’habitude, en général, de lui proposer des plaisirs apparents : il lui fait imaginer des jouissances et des plaisirs des sens pour mieux le conserver et le faire croître dans le vice et le péché » (cf. Ex. Sp. n° 314). Alors, dit Ignace, Dieu intervient, il passe à l’acte de résistance : « Le bon ange l’aiguillonne et mord sa conscience ». Ce jour-là, l’aiguillon fut rudement lancé ! Inigo fut certes tapé dans les jambes mais ce sont les rêves de sa tête qui furent mordus et réduits en miettes, ces imaginaires de « vanité du monde auxquelles il était adonné, se délectant surtout dans l’exercice des armes, avec un grand et vain désir de gagner de l’honneur » (Récit n° 1) ; toutes choses qui, finalement il en conviendra, le laissaient « sec et mécontent » (Récit n° 8). L’intérieur d’Inigo était un vrai champ de bataille, un tohu-bohu dans lequel il était urgent d’intervenir (sans doute un peu rudement…) pour démanteler cette forteresse du contentement de soi, dûment protégée de solides atours mondains, et faire apparaître une terre, beaucoup plus meuble et sensible qu’il n’y semblait, dans laquelle pourrait germer un être nouveau selon le cœur de Dieu; lequel serait ensuite promis à une belle croissance arborée, capable d’abriter à terme une nombreuse progéniture spirituelle en ses branches noueuses.

L’apôtre Pierre avait retenu la même leçon : « Humiliez-vous donc sous la main puissante de Dieu afin qu’il vous élève au moment fixé ; déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car il prend soin de vous. » ; ajoutant cet avertissement : « Soyez sobres, veillez. Votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi » (1 P 5, 8-9). D’ailleurs, ce même Simon-Pierre avait senti lui aussi le vent du boulet ! Suite à la magnifique confession de foi, inspirée, qu’il prononça devant ses compagnons au regard du Maître : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16), il commençait à s’envoler dans des rêves de puissance et de gloire humaines, de victoire et de libération trop humaines. L’instant d’après, Jésus dévoilant un tout autre itinéraire pour lui-même – et, par suite, pour son disciple… –, Pierre regimbe fortement sous l’aiguillon. La parole du Seigneur se fait alors cinglante: « Va-t’en derrière moi, Satan, car tu es pour moi un scandale, parce que tu ne penses pas les choses de Dieu mais les choses des humains » (litt. v. 23). Simon est anéanti. Mais « en vérité, en vérité, je vous le dis : si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance » ; Jésus précisant : « Celui qui aime sa vie la perd, et celui qui cesse de s’y attacher en ce monde la gardera pour la vie éternelle » (Jn 12, 24-25). L’homme ancien, pétri d’attachements mal ordonnés, doit céder peu à peu la place à l’homme nouveau, en revêtant le Christ selon son itinéraire propre de filiation divine.

Avant d’ailleurs que de s’attacher aux figures – éminentes dans le Royaume – de St François et de St Dominique, le chevalier Inigo à la triste mine, allongé sur son lit de décomposition, fut adjoint par le Seigneur à ce personnage évangélique unique, Simon fils de Jonas surnommé Pierre, tête de liste des Douze : « Les médecins avaient très peu d’espoir de le sauver ; il lui fut conseillé de se confesser. Et alors, ayant reçu les sacrements la veille de Saint-Pierre & Saint-Paul, les médecins dirent que si, d’ici minuit, il ne ressentait pas d’amélioration, on pouvait le compter pour mort. Ledit malade avait toujours été dévot pour saint Pierre ; et ainsi notre Seigneur voulut qu’au milieu de cette même nuit, il commença à se trouver mieux. Et l’amélioration se confirma tellement qu’au bout de quelques jours, on jugea qu’il était hors de danger de mort » (Récit n° 3). Un nouveau chemin de vie s’ouvre pour le fidèle, qui nécessitera cependant de nombreuses et longues étapes. En tout cas, à l’aube de ce 29 juin 1521, un jour inédit se lève pour l’homme qui a grièvement chuté ; comme il en fut d’ailleurs pour l’autre figure éminente d’engagement apostolique célébrée ce jour-là. Car, sur la route de Damas, en un instant Saul fut lui aussi culbuté, terrassé par un puissant jet de lumière. Lui qui reconnut plus tard un comportement « frénétique » de persécution et de destruction, faisant « des progrès dans le judaïsme, surpassant la plupart de ceux de mon âge et de ma race par mon zèle débordant pour les traditions de mes pères » (Ga 1, 13-14), il fut stoppé net dans son idéal « de la race d’Israël… Hébreu, fils d’Hébreux… pour la loi, pharisien… pour la justice qu’on trouve dans la loi, devenu irréprochable » (Ph 3, 5-6). Brutalement ramené à son aveuglement, il n’en sortit – au bout d’un long temps également – que par la miséricorde de Dieu qui l’éveilla à une véritable connaissance de son Fils Jésus-Christ ; celle qui donnera sens à toute l’existence de cet apôtre des nations, au point qu’il pourra dire plus tard : « Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20).

Car c’est bien un autre renversement, fondamental, qui est à l’horizon – pour ces héros de l’existence, devenant hérauts de l’évangile – du dessaisissement inattendu et redoutable d’eux-mêmes : la conversion de la réalité de Dieu pour leur monde. Cloitré dans sa chambre de convalescent, Inigo l’entraperçoit : « Quand il pensait à aller nu-pieds à Jérusalem, à ne manger que des herbes, à faire toutes les autres austérités qu’il voyait avoir été faites par les saints, non seulement il était consolé quand il se trouvait dans de telles pensées mais encore, après les avoir laissées, il restait content et allègre » (Récit n° 8). Le régime envisagé pour la vie future a radicalement changé ! Dont acte. Cela étant, si la bonne chère, les habits de cour, les faits d’armes et autres roucoulades galantes s’estompent peu à peu, on est encore dans l’ordre des « exploits pour Dieu », qui devraient plaire – pense l’homme – au Seigneur Très-Haut. Ignace n’a pas encore percé sous Inigo ; lequel ignore que ce n’est pas de se rabaisser à l’excès – se complaisant, au passage, dans une image macérée de soi – qui fait grandir Dieu en l’humanité, mais de l’honorer dans la simplicité du cœur qui s’ouvre à sa Parole et le service du frère duquel on s’approche. Comme il le dira un peu plus loin : « Lorsqu’il se souvenait de faire quelque pénitence que les saints avaient faite, il se proposait de la faire, et même davantage. Et il trouvait toute sa consolation dans ces pensées, ne considérant aucune chose intérieure et ne sachant pas ce qu’étaient l’humilité, ni la charité, ni la patience, ni le discernement pour régler et mesurer ces vertus » (Récit n°14). St Paul n’avait pas dit autre chose : « J’ai des raisons d’avoir confiance en moi-même. Si un autre croit pouvoir se confier en lui-même, je le peux davantage, moi ! … Or, toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ ». Quel renversement pour celui qui s’était attiré le reproche du Seigneur au jour de l’éclair fulgurant : « Il t’est dur de te rebiffer contre l’aiguillon ! » (Ac 26, 15). Dès lors Paul d’insister : « Mais oui, je considère que tout est perte en regard de ce bien suprême qu’est la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur » (Ph 3, 4.7-8).

Ramené piteux à Loyola, Inigo commence à perdre de sa superbe : les succès de la Terre sont éphémères, finalement décevants, et se dérobent dangereusement. Tandis qu’un autre sol émerge et s’affermit sous ses pas chancelants : celui d’un amour divin sans repentance à lui adressé, d’un Père accueillant sans condition son fils qui s’était perdu dans les désordres de la débauche et de la futilité. Un Père qui vient à la rescousse d’un enfant errant, en lui envoyant son propre Fils comme compagnon de route, vers le don total de soi, dans la joie. « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres » avait dit Jésus à ses disciples ; ajoutant : « En vérité, en vérité, je vous le dis, un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie. Sachant cela, vous serez heureux si du moins vous le mettez en pratique » (Jn 13, 13-17). Le vrai bonheur au cœur : au travers des nombreux mouvements – qu’il note à la longue fatigants – en lui-même, Inigo, immobilisé, a commencé de le percevoir ; et sur une voie d’existence totalement renversée par rapport aux repères de sa vie d’avant. Mais le personnage demeure encore au centre. Il lui faudra saisir progressivement qu’il a à s’effacer, comme pour Simon à « passer derrière », pour laisser le Maître en première ligne, en humble place ; autre inversion d’importance. Et surtout, renversement suprême, il doit saisir, ou plutôt se laisser saisir par le Seigneur qui se fait Serviteur de ses desseins, accomplissant – dans un abandon du vouloir proprement crucifiant – le don, douloureux et heureux à la fois, de tout lui-même, au nom du Père. A partir de quoi, et en retour, le pèlerin, qui s’apprête à quitter les siens, pourra dire du plus profond de lui-même : « Éternel Seigneur de toutes choses, je fais mon offrande, avec votre faveur et votre aide, en présence de votre infinie bonté et en présence de votre Mère glorieuse et de tous les saints et saintes de la cour céleste. Je souhaite et je désire, et c’est ma décision délibérée, pourvu que ce soit votre plus grand service et votre plus grande louange, vous imiter en subissant tous les outrages, tout opprobre et toute pauvreté, aussi bien effective que spirituelle, si votre très sainte Majesté veut me choisir et me recevoir en cette vie et en cet état » (Ex. Sp. n° 98).

Au long des étapes du chemin qu’il entreprend après avoir gratté la terre ameublie de son âme et découvert une source d’eau vive, Ignace entendra Jésus lui signifier en quelque manière : « Crois-moi frère, l’heure vient où ce n’est ni en ce lieu ni à Jérusalem que tu adoreras le Père… L’heure vient où les vrais adorateurs, toi et tous ceux/celles autour de toi, vous adorerez le Père en esprit et vérité » (cf. Jn 4, 21-23). Cette vérité spirituelle du culte rendu au Père ne peut se vivre ailleurs qu’en son Fils Jésus, envoyé tout exprès pour se donner librement, en compagnon de louange et de service, à quiconque l’accueille en profondeur dans son existence. Afin de devenir, à son tour, témoin heureux d’un Évangile de grâce et, pour celui/celle à qui l’appel est adressé, serviteur/servante auprès de ses frères et sœurs d’une vivifiante alliance avec le Christ ; pour une plus grande gloire du Père de tous.

Lorsqu’il sort enfin au-dehors, passant la porte de la maison familiale des Loyola, Inigo a encore le pas mal assuré. Boiteux comme Jacob, il restera marqué à la jambe toute sa vie. Mais les pieds du pèlerin ont été lavés par le Christ. Par suite, il a commencé de goûter la promesse « d’avoir part » avec son Seigneur et Maître ; dont il peut déjà entendre : « C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai ; viens te réjouir avec ton maître » (Mt 25, 21). Après un tel retournement, assurément la route sera longue, semée d’embûches mais parsemée d’étoiles. Quelques mois avant sa mort, un jour « avant le souper, il m’appela avec l’air d’une personne qui était plus recueillie qu’à l’ordinaire. Il me fit une déclaration qui, en substance, consistait à manifester quelles étaient l’intention et la simplicité avec lesquelles il avait raconté ces choses… Il avait commis bien des offenses envers notre Seigneur depuis qu’il avait commencé de le servir… Au contraire [désormais], il croissait toujours en dévotion, c’est-à-dire dans la facilité à trouver Dieu ; et maintenant, plus que jamais durant toute sa vie » (Récit n° 99). Ignace s’était accoutumé à se laisser renverser par le souffle, non plus du boulet mais de l’Esprit, et à la fin il trouvait – largement offerte en son âme – toute consolation accomplie.

Dans son livre intitulé “Inigo”, François Sureau écrit : « [A Loyola] Inigo reprenait le fil de ses souvenirs avec toute la rigueur dont il était capable. Il se revoyait versant inutilement le sang et méprisant l’amour. Dans son désir d’être admiré, il avait usurpé le don de Dieu, la louange due aux hommes. Il avait prostitué les autres et s’était prostitué lui-même. Il se jugeait vaniteux, entièrement adonné à lui-même. Il se revoyait à Pampelune et ne trouvait pas grâce à ses yeux. Des hommes étaient morts par sa faute. Il n’était pas accablé par sa conscience seule mais surtout par cet amour du Crucifié pour tous les hommes, un amour qu’il avait bafoué, d’autant plus atrocement qu’il s’était toujours donné les apparences d’un chrétien. Les crachats sur la Sainte Face étaient les siens. Il avait flagellé le Sauveur et planté les clous dans ses poignets. Il avait ri devant le Calvaire. Malgré cela, le Christ était venu le chercher. Il l’attendait à Pampelune ». Non que Jésus – sans péché – jetât alors, aux yeux de tous, le premier boulet sur ce chevalier impénitent (!), mais après que la confusion guerrière se fût lentement dissipée, voilà que le Seigneur lui-même se dessine en hôte fraternel, accueillant l’adultérin des gloires mondaines sur son chemin d’Emmaüs. Plus même : le prenant comme compagnon de route, sous sa propre bannière, le Fils envoyé du Père fera un jour pleinement partager au désormais combattant de la foi le véritable insigne du salut, cette Croix – trop longtemps désertée – libératrice des impasses de triste vanité. De Pampelune à Rome, de Loyola à La Storta, un grand arc est lancé, pour une alliance de choix selon la décision de l’homme, une union de joie selon le cœur de Dieu.

Laquelle demeure, aujourd’hui encore, offerte à tout un chacun qui s’exerce sans cesse à la rencontre du Dieu de Jésus-Christ, en mémoire vive – dans l’Esprit – du moment où tout a commencé.

Patrice de La Salle sj

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