La Pédagogie d’Anne de Xainctonge

Anne de Xainctonge, Dans la Compagnie

Dans la liberté, un appel à devenir plus humain

Anne de Xainctonge n’eut pas d’autre ambition que de faire connaître et aimer Jésus Christ. Elle le fait dans une très grande liberté qui a sa source, sans doute, dans la contemplation de la liberté du Christ. En bonne disciple de Saint Ignace, elle se nourrit de l’Evangile et considère la ” beauté de la très sainte Humanité du Chrit”, (Inst p 54), une expression qui revient souvent dans ses Instructions.

Il nous a paru intéressant d’étudier la pédagogie de cette femme précurseur, à partir d’un document fondateur, le “Compendium” (que l’on peut traduire par “Résumé” ou “Abrégé”) des pratiques mises en œuvre par les premières sœurs d’Anne de Xainctonge. En 1995, Marie Amélie Le Bourgeois, sœur de Sainte Ursule, dans sa thèse sur Anne de Xainctonge:
les Ursulines d’Anne de Xainctonge (1606), contribution à l’histoire des communautés religieuses féminines sans clôture
a longuement analysé ce texte, et nous nous inspirons largement de ses réflexions.

L’intuition d’Anne de Xainctonge

La proposition d’Anne de Xainctonge en matière d’éducation est novatrice et même avant-gardiste; en effet, elle se préoccupe de l’instruction des jeunes filles et des femmes et trouve une nouvelle voie. A côté de l’enseignement dans les monastères, réservé aux “jeunes filles bien nées” ou bien exceptionnellement, donné au sein de la famille, elle sent grandir en elle le désir de faire quelque chose qui soit parallèle aux institutions des Jésuites pour les garçons. Cependant elle refuse la clôture qui l’empêcherait de rejoindre les femmes dans leur vie de tous les jours.

Par ailleurs, le contexte historique de querelles religieuses entre réformés et catholiques incite Anne de Xainctonge à partager ses convictions, sa foi. Elle est persuadée, malgré les idées de l’époque, que “les femmes sont capables d’enseigner la foi“(Compendium XIX).

Au moyen de sa Compagnie, elle veut toucher toutes les femmes de tous rangs sociaux en s’adaptant à leurs possibilités, à leurs désirs. Les sœurs vont tenir compte des emplois du temps des servantes, aménageant les horaires, se mobilisant les dimanches et jours de fête, pour rejoindre celles qui travaillent toute la semaine. Il s’agit de répondre à des demandes, de prendre chacune là où elle en est.

C’est en tant que femmes que les soeurs de la Compagnie de Sainte Ursule s’adressent aux femmes, en se montrant proches d’elles et en partageant leurs expériences. Les sœurs sont invitées, comme la fondatrice elle même, à s’instruire dans le seul but d’avoir à transmettre et donner tout ce qu’elles savent. Il y a continuité entre ce que les sœurs ont reçu et ce qu’elles cherchent à transmettre. De même qu’il y a continuité entre l’enseignement donné dans les classes et l’enseignement prodigué aux femmes. Elles obtiennent ainsi, une fidélité, une “assiduité quasi facile et agréable“(Compendium XVIII).

Le Compendium le texte de référence

Dans le Compendium, un petit livre sans doute écrit par un jésuite et publié à Porrentruy Suisse, en 1625, nous trouvons expliquées les méthodes mises en pratique par les sœurs de Sainte Ursule d’Anne de Xainctonge, dans leurs écoles.

C’est une pédagogie personnalisée, différenciée, le centre de cette pédagogie étant l’apprenant et non le maître.
On tient compte du désir de celle qui se présente, on va tenter de développer ce désir, d’en tenir compte et on va lui faire expérimenter ce qui est enseigné. Il peut s’agir de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, d’une connaissance manuelle ou des “choses de la foi “. On tente de donner une manière de faire, beaucoup plus qu’un savoir théorique.
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Nulle contrainte pour l’élève, nulle sanction, mais éducation à la liberté. On va essayer de toucher son cœur pour l’amener à se convertir et être plus heureuse. Ce qui est important pour les sœurs, en effet, c’est de transmettre surtout un certain goût de vivre, une “saveur ” qui ne peut venir que d’une expérience spirituelle personnelle. La maîtresse va conduire son élève comme par la main (Compendium XIII).

L’instruction n’a qu’un but : la conversion, l’adhésion du désir et du cœur. Les ursulines ne sont pas des maîtres, mais des guides. Elles veulent éveiller l’intériorité et l’éduquer, révéler chacune à elle-même comme unique dans la tendresse de Dieu. Tous les moyens employés sont au service de ce profit. Anne de Xainctonge et ses soeurs ont à coeur de “donner des mots”(thèse chap 14) pour prier, pour s’adresser à Dieu, pour dire Dieu.

L’instruction est une parole échangée; il s’agit de donner, recevoir, rendre. On donne beaucoup d’importance à la parole et à la conversation.”Dans un temps où la parole féminine est insignifiante, ridiculisée, cantonnée à l’intérieur des maisons, la liberté de sortir est liberté de parler et de converser.(thèse p.255 )

Car Anne de Xainctonge a tenu malgré toutes les pressions à ce que les sœurs ne soient pas cloîtrées et soient libres d’aller et venir selon les besoins de la mission. A l’exemple du Christ qui s’est incarné et “a demeuré parmi nous “(Jn 1,14) en se faisant l’un de nous, les sœurs désirent vivre avec les gens, les approcher, partager leurs peines et leurs joies et comme dit Saint Paul “se faire tout à tous“1 Cor 9,22.

Une pédagogie actualisée

Ces principes éducatifs contenus dans le Compendium ont été complétés dans un nouveau texte à la fin du XVIIè siècle qui s’appelle “Manière d’instruire les écolières, en la maison de Sainte Ursule, à Dole selon la diversité des bancs ou classes d’icelle” ; Les élèves étaient en effet regroupées par “bancs” ou groupes de même niveau.

On y retrouve le même esprit et les modifications apportées par ce texte, montrent que l’école a pris de plus en plus de place dans l’emploi du temps des soeurs d’Anne de Xainctonge.

On y note par ailleurs une insistance pour répondre aux désirs des parents, un appel à la responsabilité personnelle de chaque élève. De plus les maîtresses y sont incitées à travailler toutes dans le même sens.

Les soeurs avaient découvert et mis en œuvre des principes importants pour l’éducation qui sont encore aujourd’hui bien actuels.

Notre époque aurait plutôt tendance à vouloir imposer une certaine uniformité et à oublier l’unicité de chacun . Cette approche personnalisée des sœurs de Sainte Ursule nous semble intéressante, dans la mesure où elle attache beaucoup d’importance à la personne. En effet elles reconnaissent en chacun le don de Dieu .

On parle aussi beaucoup de communication, on est submergé par les informations de toute sorte, grâce aux nouvelles technologies. Il semble que cela soit au détriment d’une véritable conversation, d’échanges en profondeur sur les problèmes qui touchent l’homme. Anne de Xainctonge a voulu éduquer à la réflexion personnelle qui permet de vrais échanges, de vraies conversations profondes et fécondes.

Conclusion

Anne de Xainctonge cette femme du 17è siècle a désiré que l’école soit un lieu d’humanisation, tant pour les maîtresses que pour les élèves. Elle voulait ainsi permettre aux filles et aux femmes de devenir, elles aussi, plus ouvertes sur les problèmes de leur temps et plus capables de prendre leur place dans la société.

Elle a innové véritablement en se mettant ainsi au service des femmes, souhaitant profondément les rendre plus heureuses, plus responsables, et pour cela elle a cherché à libérer l’humain que chacun porte en soi. C’est cette humanisation qui permet cette “divinisation” que le Seigneur Jésus est venu nous donner.

Anne de Xainctonge a voulu les femmes véritablement “attachées à Jésus Christ”(Règle des soeurs de Sainte Ursule). Avec elle, nous croyons que le Christ est le chemin pour devenir plus humain.

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