Arrivée de Mère Roland de Bussy, à Tours le 29 janvier 1814
- Il existe à Tours, depuis fin 1813, une “maison connue sous le nom d’Association chrétienne pour l’éducation de jeunes personnes.” Mme Choblet la dirigeait.
Qui est Mme Choblet ? Elle est une ancienne religieuse du couvent des Feuillants à Poitiers. Ayant une fortune personnelle telle (100.000 francs) qu’en 1813 elle a pu acheter à Tours le couvent des Ursulines devenu une fabrique de pots et d’assiettes ; réparés par Mme Choblet ainsi que la chapelle, les bâtiments accueillaient une soixantaine de pensionnaires. Une école gratuite bien séparée du pensionnat existait. - Comme Mme Roland et tant d’autres anciennes religieuses, Mme Choblet avait le projet de rétablir la vie religieuse. Dans son institution, des maîtresses s’engageaient par des vœux annuels. “Elle avait, nous dit Mère de Lignac, les meilleures intentions, mais elle manquait du don de savoir gouverner ; et avec de très bons sujets et de grandes ressources d’argent, tout allait fort mal.”
- Ce qui nous permet de comprendre les inquiétudes de l’Archevêque de Tours , Monseigneur de Barral, “qui avait interdit les vœux qui se renouvelaient tous les ans.” Et il cherchait à remplacer Mme Choblet. Celle-ci ayant eu connaissance de l’existence des Sœurs d’Anne de Xainctonge avait décidé de ne céder sa place qu’à une de ces sœurs.
- Début janvier 1814, Mère Roland est précédée à Tours par un groupe de Parisiennes : huit jeunes élèves et 2 sous-maîtresses, on leur donne une classe et un dortoir.
Mère Roland, entre à Tours quinze jours après, le 29 janvier 1814, à cinq heures du soir, par un temps affreux. Elle vient avec son vieux père tombé en enfance, sa gardienne et une jeune fille de service. (Mr. Roland mourra en 1815 ou 16). - A son arrivée, Mère Roland “nous plut beaucoup et nous l’entourâmes de nos soins, autant qu’il nous fut possible… » Dès le premier moment on reconnaît qu’elle est bien conforme à l’éloge qu’en a fait par écrit Mgr de Barral. Mais, “dès le soir même de son arrivée, nous pûmes nous convaincre qu’elle n’agréait pas à la bonne Mère Choblet et que bien certainement, il serait impossible d’obtenir qu’elle cédât sa maison pour en faire une communauté de Sainte Ursule.” (Mère de Lignac.)
Pour mieux situer Mère Roland
- 1 Révolution française
- En novembre 1792, les sœurs d’Anne de Xainctonge de la communauté de Dole sont chassées de leur maison, soeur Rosalie Roland de Bussy revient alors chez ses parents dans le Jura.
- En 1800, elle vient avec eux à Paris. Elle assure l’éducation des filles dans de petits pensionnats qui rassemblent quelques élèves chez la mère de l’une d’elles.
- 2 Napoléon
- Peu à peu il devient possible d’envisager la reprise de la vie religieuse. Mère Roland en a grand désir et en échange avec Mère de Vers, supérieure à Dole, par lettre. Mais sera-ce à Dole ou à Paris ? Les années passent, pour Mère Roland commencer à Paris semble la volonté de Dieu : toutes les conditions sont favorables en 1812-1813.
- Cependant, l’année 1813 constitue le véritable tournant pour Napoléon. Les pays vaincus de multiples fois par la France au cours de l’épopée napoléonienne (guerre d’Espagne, campagne d’Autriche en 1805, 1809…) se retournent contre elle. Après la bataille de Leipzig, 16 Octobre 1813, la retraite de l’armée de Napoléon vers la France est inéluctable. Les coalisés, le tsar russe, l’empereur autrichien François 1er et le roi de Prusse François Guillaume III, forts de leur victoire décident de continuer la guerre en France jusqu’à ce que Napoléon soit détrôné.
- 3 Exode: Honfleur ou Tours ?
- Paris devient peu sûr. Sous la pression des parents et pour mettre les élèves en sûreté afin de poursuivre l’éducation de leurs filles, un exode est décidé. Mais où aller ? Ce sera à Honfleur : «deux diligences furent louées pour transporter en même temps tout le mobilier et le personnel de «l’établissement» : les professeurs de piano et de dessin, les sous-maîtresses et les élèves, dans un vaste château mis à la disposition de Mère Roland par Mme de Lantois dont la fille avait été élevée par Mère Roland.
- Ici se situe, inattendue, la demande pressante de Mgr de Barral : “Venez à Tours” ; M. Roland pour donner sa réponse prend conseil, en particulier du P. de Clorivière sj.
Comment l’archevêque de Tours sut-il l’existence de Mère Roland ? Mme la comtesse de Chastenet, amie de Mère Roland, savait « que depuis son retour de l’immigration l’abbé Fustier s’occupait spécialement des anciennes religieuses. Mgr de Barral fit part de son désir à ce vénérable ecclésiastique. A peine, le saint prêtre eut-il entendu la demande du prélat, qu’éclairé par une inspiration soudaine : “Monseigneur, dit-il, je crois avoir parfaitement votre affaire ; seulement il n’y a pas un instant à perdre…» Lorsque l’Evêque s’exprima en ces termes : «Madame, vous avez le désir d’établir une maison de votre ordre, eh bien ! L’occasion est favorable…», la notice précise, que Mère Roland, est «déjà informée.» Est-ce par Mme de Chastenet ou par l’Abbé Fustier ?
Mère Roland, écrit le 15 janvier 1814 : «Enfin le moment de notre délivrance approche certainement mais quels sont les moyens dont la Providence se servira ? C’est ce que nous ne pouvons prévoir. Ce que je sais c’est que, pour moi personnellement, tout me porte à croire que la volonté de Dieu m’appelle à Tours pour le moment. C’est dans cette ville, probablement, que je dois voir se commencer le rétablissement pour lequel j’ai tant de bonnes et si fortes raisons de croire que la Providence m’a conservée ; c’est là cette œuvre après laquelle je soupire après un si grand nombre d’années ; pourquoi la ville de Tours s’est-elle substituée à celle de Paris, qui, jusqu’ici m’avait paru être celle où Dieu voulait que je commençasse ? »
d’après les Archives de la Compagnie