En mon sein est un roi, d’abord petit, tout petit, couché, livré, sur la paille de mon dénuement. Il est livré à ma liberté, à mon bon vouloir, à mon désir d’entrer ou pas en relation avec lui, à ma décision d’être à la hauteur des promesses de son regard aimant.
Me laisser troubler ? Laisser le regard du nouveau-né, du si petit, me transpercer?
Ce regard qui me voit au-delà de mes masques, au-delà des hardes dont je me suis laissé vêtir parce que c’était prétendument « pour mon bien »…
Ce regard qui me révèle : Aurais-je assez de toute ma vie pour en saisir l’enjeu ?
La quête de ce regard-là est fragile, parfois ténue, parfois vrombissante, à la faveur d’un séisme de l’âme, qui brusquement se souvient de la « Présence » et qui l’appelle dans sa détresse.
En fait, il est là, pour toujours, pour moi, pour tous.
Force de Vie, force de l’amour, force du don sans mérite !
Douceur obstinée, comme celle d’une goutte d’eau qui inlassablement tombe sur la pierre de mon inertie et finit par y creuser un trou, une béance, qui n’est remplie que par mon consentement à cette présence de gratuité.
Gratuité qui me conduit à la gratitude envers la Vie de ce Roi, et peut, par instant faire de moi la reine qu’il a tissée en m’appelant un jour à la vie.
Debout, Talita koum, une reine, humble servante avance à pas lents pour ne rien écraser du monde, mais louer en tout temps, en toute circonstance, exalter la beauté et relever parfois ceux qui sont courbés.
En mon sein est un roi qui veut faire de moi l’écrin de son accueil, et me pousser, les mains ouvertes, à en partager l’indicible, à l’annoncer pour donner à ce monde une couleur de joie d’espérance et d’amour. De cet amour qui ne se mérite pas, mais est juste cette offrande livrée sur une mangeoire, à la dévoration du monde, pour combler de bien les affamés que nous sommes, le plus souvent à notre insu.
En ton sein est un Roi qui te veut reine, pour t’offrir la couronne de servante de la Vie.
Michèle Saulou,
lors d’un atelier d’écriture à la Maison de Prière