Regardons, écoutons pour mieux percevoir les racines de la maladie violence, ce virus qui résiste à tant de traitements et dont la contagion est rapide, si l’on manque de vigilance.
Violence , un mot que l’on entend chaque jour, un mot dont on constate les effets chaque jour dans le monde, autour de nous, en nous.
Un mal qui s’étend comme une épidémie, un mal auquel il semble urgent d’apporter un remède.
Mais pour arriver à guérir un mal, il faut essayer de trouver son « coeur».
Lorsqu’il s’agit du mal physique, il est important de poser un bon diagnostic, de ne pas se borner à prendre des calmants, de ne pas hésiter à consulter et faire une radiographie en profondeur. Evidemment, il faut de bons praticiens et des patients attentifs et dociles, qui font confiance…
On peut, sans erreur, faire le rapprochement avec le mal qu’est la violence dont les accès, les crises ont des aspects si divers que l’on s’attache souvent aux symptômes seulement, sans pousser plus loin l’analyse..
Mais pourquoi dire violence, alors qu’il doit être, ici, question de «Justice et de Paix»?
Parce que, fondamentalement, Justice et paix, égale Royaume de Dieu, égale l’homme à la ressemblance du Fils Bien Aimé, égale ceux qui ont compris et surtout appris à vivre le message des Béatitudes.
Et ce message s’enracine dans l’identité de notre Dieu, dans son Amour, créateur et sauveur.
Mais l’histoire collective et personnelle démontrent amplement qu’en Jésus Christ nous vivons le «Déjà là, mais pas encore» du Royaume. Et «le pas encore» appelle justement à une conversion, à un «dépistage» en profondeur de ce mal sournois, pernicieux, tentateur qu’est la violence.
Et pour ce dépistage, pour un diagnostic sans complaisance, nous écoutons la Parole de Dieu, Lui qui sait tout de l’homme. Et l’histoire biblique, notre histoire, sait bien creuser profond pour démontrer et démonter la structure diabolique de la violence qui défigure «l’homme image de Dieu.»
Regardons, écoutons pour mieux percevoir les racines de la maladie violence, ce virus qui résiste à tant de traitements et dont la contagion est rapide, si l’on manque de vigilance.
Quelques racines de la violence :
- La jalousie. Mais celle-ci ne montre pas toujours son vrai visage. Elle a des physionomies très diverses et peut même paraître légitime.
— Jaloux parce que je ne suis pas doué comme l’autre, handicaps physiques ou intellectuels qui me paraissent de parfaites formes d’injustice.
— Jaloux parce que j’estime ne pas être aimé comme l’autre qui me supplante à une place à laquelle j’ai droit…
— Jaloux parce que je veux être le préféré et que toute marque d’intérêt, d’affection portée à l’autre me donne l’impression d’être volée, de subir une forme d’agression. D’où en moi une tristesse que je trouve «normale» étant donné ma peine… Le frère aîné dans la parabole du Prodigue.
— Jaloux parce que je convoite ce qui n’est pas à moi, je ne supporte pas de vivre un certain «manque» en certains domaines, comme par exemple celui d’une reconnaissance dans la société.
— Jaloux, celui qui se fait le centre et craint d’avoir à donner de lui-même.
— Jaloux, du fait de n’être pas consulté, pas au courant de ce qui se passe, qui enfonce dans le marasme, la morosité d’un triste silence.
- Au très profond , l’idolâtrie en lien avec le mensonge amène à se laisser séduire par de fausses valeurs de vie. «Ouvrages de mains humaines», elles se substituent à l’image de Dieu et au projet de Dieu sur l’homme-à-son-image. C’est dans ce secteur que l’Adversaire attaque Jésus et c’est très signifiant.
La foule à la suite de Jésus lors de la multiplication des pains, comme attendant l’acte magique.
Nos excès quant à la sécurité disent bien quelque chose. Les formes de publicité qui présentent la vie et le bonheur comme dépendant d’une voiture, d’une crème de beauté, d’appareils aussi divers que variés…Image d’un Dieu, distributeur automatique.
- Le désir de possession lié à la puissance vitale et affective qui fait voir les choses et les gens comme des objets à accaparer ou à utiliser.
Le désir d’étendre son pouvoir au-delà de ses limites, sur les hommes, les bêtes, les choses, de telle sorte que rien n’est respecté et que la création tout entière proteste comme en voie de dé-création.
- La peur qui peut faire naître la haine. La peur de l’envahissement de notre territoire, de ce qui est «notre affaire» ou même qui le fût. L’impression que si l’on n’est plus là, c’est que l’on est devenu inutile. La violence paraît la seule arme possible même au nom de la foi. On tue pour ne pas être tué. Et on arrive à tuer sans vraiment savoir pourquoi.
- Violent parce que je ne m’aime pas. Je ne sais pas exactement qui «être». Et ce que je n’aime pas en moi me paraît tellement irrémédiable que j’en perds le goût de la vie. Je suis amer, blessant, satisfait, au fond, de ce qui va mal à ma ressemblance.
COMMENT SORTIR DE LA ?
Des pistes d’action s’ouvrent pour tous.
Pardon
Parole
Prière
- La force du pardon est un des grands éléments de la Paix. Le pardon est re-créateur de ce qui a été saccagé par la violence. Mais il demande à celui qui pardonne d’avoir dominé toutes les forces animales en lui, d’avoir désiré avoir devant lui un homme debout, un face à face qui ne se sente pas humilié par ce pardon. Un pardon à partir duquel se désagrège l’amertume de part et d’autre.
Le pardon, une spécialité de Dieu, l’au-delà du follement !
- La force de la Parole, celle qu’on a le courage d’engager «pour vider son coeur», dire ses désirs comme ses déceptions, mais non comme une passe d’armes où l’on veut se justifier.
Peut-être demander de l’aide, fraternellement, pour ces moments difficiles qui risquent d’emmurer. Prier pour que dans l’échange, l’Esprit Saint éclaire les uns et les autres. Dans l’Ecriture, la Parole est toujours un moment de vérité lorsque les interlocuteurs sont de bonne foi.
- La force de la prière comme un assaut contre soi-même en sachant que c’est le seul chemin pour devenir Fils de Dieu après s’être comporté comme en Fils d’Adam, après avoir laissé en soi murmurer sournoisement la voix du serpent, spécialiste du mensonge
Nous avons entendu. A nous donc, à la lumière de l’Esprit, de dépister, de laisser ces histoires rejoindre notre histoire, rejoindre notre coeur, nous engager sur un chemin pascal, un chemin de Vie et de Royaume aux cieux nouveaux «où la Justice habitera.»
Là où nous sommes, avec ce que nous sommes, je crois que chacun de nous peut être artisan de paix pour le Royaume en dépistant, avec courage, et clairvoyance ce qui à trait à la violence en prenant les armes de Saint Paul :
«Tenez donc debout avec la vérité pour ceinture
la justice pour cuirasse et pour chaussures, le zèle à propager l’Evangile de la Paix.
Ayez toujours en main le bouclier de la foi grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais.
Enfin, recevez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire, la Parole de Dieu».
(Epître aux Ephésiens 6,10)
Soeur Marie Laetitia